Le manipulateur face au scanner du rocher

Lilya OUKAOUR1*, Narimene DJAFER1, Fayçal BOUSCLET1, Sidahmed FARAOUN1

1 Radiologues, service d’imagerie médicale et de radiologie interventionnelle, Centre Hospitalo-Universitaire Mohamed Lamine Debaghine, 03 Boulevard Said Touati, 16000, Bab El Oued, Algérie.
*Auteur de correspondance : oukaour.lylia@hotmail.fr

Résumé – Le scanner du rocher est un examen primordial en complément de l’examen clinique ORL. Sa réalisation doit être parfaitement maîtrisée par le manipulateur en imagerie médicale. La radio anatomie de l’oreille est capitale pour pouvoir réaliser les différentes reconstructions. L’optimisation du protocole d’acquisition est d’un intérêt majeur afin de faciliter l’interprétation des examens. De ce fait, la qualité d’image est évaluée visuellement par le radiologue, à partir d’images issues de patients; trois critères sont considérés : la visualisation du tympan, de la chaîne ossiculaire et de l’étrier.

La connaissance des indications de réalisation d’un scanner du rocher permet de filtrer les malades pour lesquels une injection de produit de contraste est nécessaire. Enfin, cet article permettra aux manipulateurs de reproduire facilement le protocole du scanner du rocher, de pouvoir réaliser des reconstructions multi planaires de base et complémentaires et aussi d’assurer une qualité d’image satisfaisante pour le diagnostic.
Mots-clés : Rocher / scanner / plan sus-orbito-méatal / dose / qualité d’image

1- Introduction
Le scanner du rocher permet de produire des images en coupes infra-millimétriques sur les structures de l’oreille (conduit auditif externe, oreille moyenne et oreille interne) afin de les explorer, de suivre l’évolution d’une pathologie ou de guider le spécialiste dans le traitement et éventuellement dans le geste chirurgical. Le manipulateur en imagerie médicale est au centre de cette exploration, il doit être en mesure de pouvoir réaliser cet examen avec une irradiation minimale, connaître l’anatomie utile de l’oreille afin de réaliser des reconstructions sur les images natives selon les recommandations et fournir ainsi une image de qualité pour la radiologue.

2- Matériel et méthodes
Nous disposons d’un scanner Siemens Somatom définition AS 64 barrettes, installé en avril 2018.
30 acquisitions pour des patients recrutés du service d’ORL du CHU Bab El Oued ont été réalisées.
La préparation des patients avait consisté à enlever les boucles d’oreilles, les chaînes, les boîtiers externes d’implants cochléaires, les prothèses auditives, les barrettes de cheveux…tout objet pouvant induire un artéfact ou altérer la qualité de l’examen.

Les critères d’inclusion et de non inclusion sont résumés dans le tableau 01.

Critère d’inclusionCritère de non inclusion
Patient en bon état général, pouvant rester immobilePatient examiné par un médecin généraliste
Patient ayant reçu un examen clinique par un spécialistePatient examiné par un médecin généraliste
Patient ayant une bonne fonction rénale (en cas de nécessité d’injection de PDCI) Femme enceinte

Tableau 01 : Critères d’inclusion et de non inclusion

Les paramètres d’acquisition utilisés sont détaillés dans le tableau 02.

Paramètre d’acquisition Norme
Champ 20cm
Matrice512
mAs350
KV120
Épaisseur de reconstruction0 ,6mm
Incrément0,6mm
CTDI vol (16mm)56,37mGy

Tableau 02 : Paramètres d’acquisition

Nous avons utilisé lors de la réalisation de ces acquisitions deux méthodes de positionnement du patient (figure 01) :
Méthode 1 : Patient en décubitus dorsal, tête calée dans la gouttière, en position neutre statif incliné de sorte que le plan de l’acquisition passe en sus-orbito-méatal.
Méthode 2 : Patient en décubitus dorsal, en flexion forcée, menton-sternum.

Nous avons réalisé des reconstructions de base en FOV étroit pour chaque oreille en filtre osseux très dur (figure 03), puis dans le plan du canal semi circulaire latéral
(CSL) : le manipulateur repère le CSL sur les coupes coronales et sagittales, oriente la pile de reconstruction sur un plan parallèle à celui du CSL, puis lance les reconstructions et les transfère à la base de données (figure 04).
Pour les mêmes patients, des reconstructions complémentaires ont été effectuées dans un plan axial oblique, sur les coupes coronales, dans l’axe de l’étrier, après avoir repéré la fenêtre ovale, sélection de 60 coupes tous les 0,2mm (figure 05).

Nous avons ensuite procédé à une interprétation sur console de post traitement Syngovia en deux méthodes :
Méthode 1 : le radiologue procède aux reformatages à partir des reconstructions de base, dans le plan axial oblique pour analyse de l’étrier et dans le plan sagittal oblique pour le marteau et l’enclume (figures 06 et 07) ;
Méthode 2 : le radiologue sur une console de post-traitement Syngovia, analyse directement les images obtenues à partir des reconstructions de base et des reconstructions complémentaires.

3- Résultats

Concernant le positionnement des patients, les résultats des coupes natives obtenues pour chaque méthode d’acquisition sont exposés dans la figure 08a.
Nous avons constaté que les coupes natives obtenues en position neutre avec inclinaison du statif permettaient une détection plus facile du CSL par nos manipulateurs (figure 08b).

La qualité globale de l’image a été évaluée qualitativement par le radiologue en utilisant des critères simples : la visualisation du tympan, de la chaîne ossiculaire et de l’étrier (figure 09) [1].

Cette évaluation est estimée sur une échelle à 5 choix de réponse : 1 = très mauvaise,
2 = mauvaise, 3 = acceptable, 4 = bonne et 5 = très bonne. Pour chaque patient, l’évaluation est estimée par deux radiologues afin d’augmenter sa fiabilité (figure 10) [1].

Après analyse fine des images obtenues selon les deux méthodes précédemment expliquées, nous ne constatons pas de différence significative entre la qualité d’image obtenue après reconstructions sur console d’acquisition et celles obtenues après reformatage sur console de post-traitement (figure 11). Par ailleurs, le temps de lecture et d’interprétation est considérablement raccourci lorsque les reconstructions complémentaires sont faites par le manipulateur.

4 -Discussion

La bonne réalisation d’une acquisition visant à explorer le rocher a deux exigences principales ; minimiser l’irradiation, tout en fournissant des images de bonne qualité, interprétables par le radiologue, et des clichés faciles à lire pour le clinicien. Pour ce faire, le manipulateur doit connaître les indications de cet examen, le bon protocole, mais surtout maîtriser l’anatomie de base du rocher.
Les indications du scanner du rocher concernent essentiellement les surdités de transmission, dont l’otospongiose, mais également le bilan des complications des otites moyennes chroniques (choléstéatome), où le scanner sans injection est suffisant, le bilan des complications des otites moyennes aigues résistantes au traitement (collections des parties molles du cou, abcès cérébral), des otites malignes externes ainsi que des tumeurs du rocher, où une injection de produit de contraste iodé (PDCI) sur un protocole cérébro-cervical en fenêtrage mou doit être réalisé en complément du scanner du rocher.

Les éléments anatomiques utiles au manipulateur sont les suivants : savoir que le rocher est constitué de l’os temporal, de l’os tympanal et de la pyramide pétreuse
(figure 12) [2]. Il se subdivise en oreille externe, se terminant par la membrane tympanique (figure 13), l’oreille moyenne avec ses trois étages : épi tympan, méso tympan et hypo tympan (figure 14), l’oreille interne contenant la cochlée et le vestibule avec sa fenêtre ovale et la platine, d’où émanent les trois canaux semi circulaires
(CSC) : latéral, supérieur et postérieur (figure 15) [2] [3].

L’oreille moyenne est le siège de trois structures ossiculaires : marteau ou malleus, enclume ou uncus, et étrier ou stapes (figure 16). Celles-ci présentent des orientations différentes dans l’espace, d’où l’intérêt des reconstructions complémentaires.
Une bonne acquisition commence par le bon positionnement du patient ; en décubitus dorsal, tête bien calée dans une gouttière. Puis en sélectionnant le protocole « rocher » qui doit respecter les paramètres cités dans le Tableau 02 [2]. La réduction des mAS à 200 est préférable pour les enfants [3].
Le cristallin, étant la structure anatomique la plus sujette aux conséquences de
l’irradiation (Tableau 03) [3], doit être évité en faisant en sorte que le rayon passe au- dessus de l’orbite (dose de rayons divisée par 10). Pour ce faire, deux possibilités
s’offrent à nous ; le patient incline la tête menton contre la poitrine, ou reste en position neutre, le manipulateur devant incliner le statif. Dans notre étude l’inclinaison du statif permettait d’obtenir des images natives faciles à reconstruire pour le manipulateur. Un protocole « cérébral classique » avec ouverture du box jusqu’aux creux sus claviculaires, en fenêtre parties molles, doit être prêt dans les cas où une injection de PDCI est indiquée. Celle-ci se fait à 2cc/sec en injectant 50cc (1cc/Kg) de PDCI dosé à 300 mg/mL.
Cristallin 6.4
Glande sous maxillaire 3.8
Thyroïde 2.2

Tableau 3 : Dose CT en mGry (moyenne)
L’acquisition en mode hélicoïdal et en respiration douce se fait après un Scout de repérage de face et de profil et un positionnement du volume d’acquisition dans un plan sus orbito-méatal, le box dépassant de quelques millimètres la base du crâne.
Des reconstructions de base, en multiplanaire (MPR), doivent se faire, oreille par oreille, dans le plan du CSC latéral, en obéissant aux paramètres cités dans le tableau 04.

Filtre Osseux très dur
Boite (box)0.4 à 0.6 mm
FOV04 à 10 cm
Incrément0.2 à 0.6 mm
Épaisseur0.2 à 0.6 mm
Distance entre coupes0.4 à 0.6 mm

Tableau 4 : Paramètres de reconstruction
Les reconstructions complémentaires avec zoom (sélection de 60 coupes tous les 0,2mm) facilitent l’interprétation au radiologue [3], offrent un gain de temps et permettent de fournir des illustratifs aux cliniciens. Elles se font, en premier, dans un plan axial oblique, dans l’axe de l’étrier et de la fenêtre ovale, permettant de mieux analyser l’étrier et la platine. En second, dans un plan sagittal oblique, pour le marteau et l’enclume, jusqu’à obtention de l’aspect de « dent molaire ». Des clichés illustratifs des reconstructions complémentaires doivent être fournis au clinicien.
Enfin, la réalisation des films à imprimer se fait pour chaque oreille, en coupes axiales et coronales reconstruites, allant du CSC supérieur à la pointe mastoïdienne.
Conclusion

Le rocher est l’une des structures anatomiques les plus complexes du corps humain, fait d’os et d’air, il est essentiellement exploré par tomodensitométrie. Cet examen est fréquemment prescrit, ses indications sont multiples, et son analyse difficile. La connaissance et l’application de bons protocoles d’acquisition et de reconstructions, classiques et complémentaires, permettent l’obtention d’images de bonne qualité, satisfaisant le radiologue et le clinicien, tout en réduisant le taux d’irradiation du malade.

Références

[1] Verdun FR, Racine D, Ott JG, Tapiovaara MJ, Toroi P, Bochud FO, Veldkamp WJH, Schegerer A, Bouwman RW, Hernandez Giron I, Marshall NW, Edyvean S. 2015. Image quality in CT: From physical measurements to model observers. Phys Med 31: 823–843.
[2] F. Dubrulle, N. Martin-Duverneuil, G. Moulin. Elsevier Masson 2010. Imagerie en ORL. ISBN : 978-2-294-70498-7
[3] F. Veillon avec Jan W. Casselman, P. Meriot, S. Cahen-Riehm et H. Sick.
Médecine Sciences Publications Lavoisier Paris 2014. IBSN : 978-2-257-70572-3
[4] Miloudi H, Bui T, Fayolle S, Gonzalez L, Royer B, Noel A, Dufay F, Amir S. 2018. Optimisation d’un protocole rochers au scanner. Radioprotection 53(1) : 21–25

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