Les agents de contraste en imagerie médicale

Résumé :

Dr S. Semar Médecin spécialiste en radiologie et imagerie médicale

Les tissus de l’organisme ont une texture complexe. Pour mieux les étudier en imagerie, on a recours aux produits de contraste. Ces agents ont donc d’énormes avantages mais ils présentent aussi des risques que le manipulateur en imagerie médicale doit connaître.

Mots clés : Imagerie , produits de contraste , manipulateur.

Introduction

Le contraste tissulaire, lié à la composition chimique des différents tissus de l’organisme, soumis aux rayons X, est la base de l’imagerie médicale.

En effet, les milieux organiques sont constitués de plusieurs tissus ayant des capacités d’absorption des rayons différentes. Ainsi plus un milieu est dense plus il absorbera les rayons et on obtiendra un contraste net avec les structures avoisinantes : c’est le cas de l’os totalement exploré par la radiologie conventionnelle.

En revanche, au niveau des tissus qui possèdent des capacités d’absorption minime il est difficile d’étudier le contraste. Dans ce cas, pour mieux évaluer les différences on a recours de plus en plus à des agents de contraste.

Les produits de contraste ou agents de contraste sont des produits chimiques de la classe des médicaments et donc réagis comme tels, introduits dans l’organisme pour créer un contraste artificiel sur une structure anatomique ou pathologique afin d’augmenter la pertinence diagnostique.

Le type d’agent de contraste est adapté à l’organe ou à l’appareil à explorer, mais aussi à la technique d’imagerie projetée. Par ailleurs à cette notion de bénéfice pour le clinicien et le malade il est important d’opposer le facteur risque lié à l’utilisation de ses produits.

Enfin l’administration d’un produit de contraste pour la réalisation d’un examen d’imagerie relève de la compétence du manipulateur qui doit en savoir la composition, le mode d’emploi, le mode d’administration aux patients, les indications , les contre-indications ainsi que la réglementation de l’utilisation des produits de contraste mettant chaque fois en balance leur efficacité et leur sécurité.

Évolution des idées 

1- Historique :

Le premier cliché radiologique est historique. Il a été réalisé par Rotgen lui-même (1895) pour étayer sa découverte des rayons X. Il avait pratiqué une radiographie de la main de son épouse qui montrait bien le contraste entre les os et les parties molles.

Une année plus tard, un liquide plombé a été utilisé pour visualiser le tube digestif d’ailleurs non sans conséquences. Des sels de mercure ont été ainsi injectés pour augmenter le contraste, produits non dénués d’effets toxiques. En 1908, Marcel Garbet élabore le premier produit de contraste organique à partir d’une huile iodée : le Lipiodol utilisé en bronchographie. En 1910, le sulfate de baryum, produits non toxique avait été retenu pour la visualisation des voies digestives et en 1929 Swick réalisa l’exploration des voies urinaires avec produit iodé , hydrosoluble , radio-opaque qui se concentre électivement au niveau de l’arbre urinaire  : c’est la première UIV.

En 1940, un antiparasitaire le diatrizoate ayant des propriétés opacifiantes a permis d’étudier le tube digestif. En 1969, avec la mise au point de la TDM sont apparus des produits de contraste hydrosolubles non ioniques et des basse osmolarité qui restent stables lors de leur dissolution. En 1990, avec l’ère de l’I.R.M. apparaissait le chélate de gadolinium produit non iodé et plus récemment un produit de contraste gazeux est essayé pour l’étude ultrasonique de l’organisme.

2 – Etat actuel : produits existants

La nomenclature des agents de contraste existants au niveau du marché est très diverse. Néanmoins en fonction de la disponibilité le technicien doit utiliser si possible la spécialité dont il a l’habitude et la satisfaction.

A titre indicatif, nous avons répertorié ci-dessous quelques spécialités largement utilisées dans notre pays :

– Produits barytés (Sulfate de Baryum) : Micropaque®.

– Produits iodés :

– spécialités de basse osmolarité : Ultravist, Xenetix, Omnipaque,

– spécialité de haute osmolarité :  Gastrografine®, Télébrix®

– Produits pour IRM :  chélates de gadolinium :  Dotarem®

Caractéristiques biochimiques des produits de contraste

1-Produits de contraste iodés (PCI) :

Ils augmentent le contraste naturel dans leur compartiment de distribution et d’élimination. Plus leur teneur en iode est élevée plus ils sont efficients mais plus ils sont délétères pour l’organisme. Ils sont hydrosolubles grâce à un noyau benzène. En fonction de la quantité d’iode libérée au cours de leur dissolution, on distingue :

– PCI de haute osmolarité.

– PCI de basse osmolarité.

– PCI iso-osmolaire par rapport au plasma.

Ils sont certes inertes mais leur activité est liée à leur seule force osmotique. Ils diffusent à travers la membrane basale capillaire vers le milieu interstitiel mais sans diffusion dans le milieu intra cellulaire. En théorie ils ne diffusent pas à travers la barrière hémato-encéphalique saine. Ils sont essentiellement éliminés par le rein grâce à la simple filtration glomérulaire sans réabsorption tubulaire. La cinétique de diffusion est caractéristique : la première phase est vasculaire (10 secondes) avec un intérêt en angiographie et la deuxième phase est interstitielle (60 secondes) et est utilisée en TDM.

La demi-vie est de une à deux heures environ.

2-Produits de contraste non iodés (PCNI)

Ils sont utilisés en imagerie par IRM. Le mécanisme d’action est indirect en accélérant la vitesse de relaxation des noyaux d’hydrogène.

On distingue deux groupes :

– Les agents de contraste positifs qui rehaussent le signal sur les séquences pondérées en T1. Ces produits appartiennent aux groupes des métaux de transition (Cr, Fe , Mn ) et aux lanthanides (Gadolinium). Ce dernier reste le plus efficace avec le signal le plus fort et diffusant bien en milieu extra-cellulaire et rapidement éliminé par le rein.

– Les agents de contraste négatifs sont des produits particuliers de structure cristalline à base de noyaux de fer et donc captés par le système réticulo-endothélial (foie  rate , ganglions , moelle osseuse ). Ils ont un intérêt en IRM hépatique et leur élimination est lente.

Risques liés à l’utilisation des produits de contraste 

Les agents de contraste sont en général bien tolérés. Cependant, leur utilisation peut être suivie de complications (un décès pour 100.000 examens et un accident majeur pour 2.000 examens). Ces accidents sont plus graves avec les agents hyper osmolaires.

1-Les réactions allergiques

Elles sont rares et se manifestent au cours de la phase aigue par divers symptômes allant du simple bouton d’urticaire au gonflement du visage avec bronchospasme et choc anaphylactique.  Ailleurs, ce sont des réactions plus tardives qui sont signalées :nausées , vomissements , céphalées , exanthème et fièvre surtout chez les malades ayant des antécédents d’allergie. Il faut aussi rappeler le rôle du stress le jour de l’examen.

Les réactions allergiques au gadolinium sont encore plus rares : douleurs lombaires , hypotension , nausées rapidement régressives.

2-La néphropathie après injection de produit de contraste

Elle peut survenir sur rein sain mais surtout sur un terrain d’insuffisance rénale. Elle se définit par l’augmentation de la créatinine plasmatique de 25 % de son taux de base dans les 48 heures qui suivent l’examen.  Le rôle des facteurs de risque est important : diabète, insuffisance rénale chronique, hypertension artérielle et surtout l’âge.

Ce n’est pas tant la qualité du produit qui est en cause mais c’est le volume injecté qui est le facteur primordial. D’où l’intérêt de calculer la dose à injecter en tenant compte du poids du patient.

3-Patient sous bêtabloquants

L’injection de produit de contraste chez un patient sous bêtabloquants risque d’aggraver la réaction anaphylactique notamment sur le plan respiratoire. Il est donc important d’avoir l’avis du cardiologue avant l’injection

4-Patient sous biguanides :

L’arrêt du traitement aux biguanides 48 heures avant l’examen chez le diabétique est impératif car ils interfèrent directement dans le blocage de la transformation des lactates en glucose à l’origine d’une insuffisance rénale sévère.

Règles d’utilisation des agents de contraste

Les agents de contraste sont des médicaments. A ce titre ils sont soumis à la réglementation concernant la prescription, la détention et la dispensation de ces produits.  Cependant, ce sont des médicaments administrés dans un but diagnostique.

A ce titre, il doivent donc répondre à trois critères de qualité, sécurité et efficacité avec  à chaque fois la recherche du rapport bénéfice / risque.

Le manipulateur en imagerie est chargé de l’administration de ces médicaments mais leur prescription est d’abord médicale. Il doit avertir le médecin de tout problème survenu au cours de cette injection sinon c’est une faute professionnelle. Il doit donc l’informer du type de produit, de la dose injectée et du moment de l’injection.

Enfin, le devoir d’information et de consentement du malade reste la pierre angulaire de tout geste invasif sur le patient. Le consentement doit toujours être obtenu par écrit.

Applications pratiques 

L’utilisation des produits de contraste en imagerie médicale permet une meilleure interprétation des images mais l’injection comporte aussi des risques.  Si c’est le médecin qui valide la pertinence de l’examen et qui décide du recours aux agents de contraste, c’est le manipulateur qui en fait l’exécution. Il faut donc que le MIM s’entoure d’un maximum de précautions en observant des règles pratiques avant, pendant et après l’examen.

1- Avant l’examen

La demande d’examen doit comporter toutes les indications qui vont permettre au médecin radiologue de la valider. D’abord l’approche stratégique du diagnostic clinique doit justifier le recours à l’imagerie. Ensuite, la décision de l’utilisation des produits de contraste dépend d’une part de l’histoire clinique du patient et d’autre part de l’évaluation du terrain.  A ce sujet, l’interrogatoire va préciser les antécédents éventuels d’allergie, d’insuffisance rénale , de déshydration ou de  dysthyroidie pour prendre toutes les précautions nécessaires.

On doit tenir compte d’un traitement éventuel aux biguanides ou aux bêtabloquants et à ce sujet l’avis du médecin diabétologue ou du cardiologue est nécessaire

A ce stade si la possibilité d’injection est retenue le patient sera évalué sur son poids, sa taille, son pouls et sa tension artérielle.

En tout cas il ne faut pas attendre le jour de l’examen, une fois que le malade a obtenu son rendez-vous pour rechercher des contre-indications, des facteurs de risque ou pour obtenir le consentement du malade.

2-Pendant l’examen

Un certain nombre de précautions vont permettre la réalisation d’un examen d’imagerie en toute sécurité. Le manipulateur doit :

– Reprendre l’interrogatoire et toutes les informations concernant le dossier du malade : ne pas supposer que c’est déjà fait. Ceci peut être fait même au niveau de la salle d’attente.

– S’assurer que les recommandations sont comprises et appliquées notamment pour l’arrêt de certains médicaments.

– S’assurer que le médecin est présent et accessible et  peut intervenir à tout moment.

– Choisir le produit adapté selon le protocole du service et la dose est calculée en fonction du poids.

– Utiliser un cathéter court, en évitant de détériorer le capital veineux du patient

–  dans l’immédiat, procéder à la surveillance locale du point d’injection et apprécier la tolérance du produit. Il ne faut pas libérer le patient avant 30 minutes.

– S’assurer qu’il existe une salle appropriée (déchoquage) avec un chariot dédié (médicaments contre le choc : c’est l’obligation de moyens exigée par la réglementation).

3-Après l’examen

– Prévenir et évaluer le risque de néphropathie par hydratation et contrôle de la créatinine. En ambulatoire, une ordonnance est délivrée avec des consignes précises et chez le malade hospitalisé il faut notifier toutes les données au service traitant pour la continuité des soins.

– Le compte-rendu doit détailler en plus des résultats de l’examen la technique utilisée, la dose administrée ainsi que toutes les réactions observées chez le patient considéré.

Conclusion 

Les agents de contraste permettent d’affiner le diagnostic en imagerie médicale. Cependant le manipulateur en imagerie médicale doit connaître toutes leurs propriétés pour les utiliser à bon escient. Ce sont des produits pertinents pour le diagnostic mais l’exigence de sécurité doit aussi les considérer comme des médicaments de classe B dont l’utilisation est réglementée.

Bibliographie

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(2) Iatrogénie des produits de contraste Clément O

Journal de radiologie : 2004 : 85-9 ; 1175-80

(3) Utilisation des produits de contraste hépato-spécifiques en IRM Lambert B , Horta E , Perrier E , Siauve N , Clément O , Cuénod C.A , Frija G Journal de radiologie : 2007 : 88-10 ; 1354-60

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