La récupération améliorée après chirurgie

Résumé:

La récupération améliorée après chirurgie ou Enhanced Recovery Afte rSurgery (ERAS) est une

1 service de chirurgie C / EHS Pierre et Marie Curie, faculté d’Alger1. ghaza402002@yahoo.fr 2 chirurgienne de santé public / EPH Kouba, faculté d’Alger1 .
A. Azzouz 1, N. Azrou 2

prise en charge multidisciplinaire, standardisée et basée sur les preuves. Il existe actuellement un bon niveau de preuves pour favoriser la récupération  améliorée après chirurgie dans le but de réduire l’agression du geste chirurgical et ainsi améliorer les suites opératoires. La réussite du programme passe par l’adhésion de l’équipe multidisciplinaire composée de chirurgiens, d’anesthésistes, d’infirmiers, de diététiciens, et d’administrateurs.

Mots clés : chirurgie, post opératoire, récupération améliorée.

Introduction :

Elle a été initialement inspirée et développée par H.Kehlet et ses collaborateurs au Danemark en 1995 pour la chirurgie colique. Elle remet en question les principesclassiques de la prise en charge péri opératoire afin de permettre au patient de retrouver le plus vite possible son état physique et psychique pré-opératoire

La récupération améliorée après chirurgie est une médecine fondée sur les preuves, validée par des publications scientifiques.  Un groupe d’étude international a été crée, en 2001 afin de promouvoir le programme ERAS (Enhanced Recovery After Surgery). En 2010, ERAS society fut crée avec l’objectif  de donner une envergure internationale à ce programme et surtout aboutir à un standard international. En 2010, il existait déjà, en particulier en Europe, 10 centres d’excellence.

Définition de la récupération améliorée après chirurgie (RAAC).

C’est une démarche différente dans la prise en charge du patient. Comment aborder une situation à problème, qui est la phase post opératoire ?  La solution  nécessite une combinaison d’intervention dite multimodale (cœlioscopie, analgésie…)  qui associe une équipes aux compétences diverses qui intervient à chaque étape de la prise en charge péri opératoire avec un même objectif,  la récupération rapide ou mieux encore améliorée.

Elle vise à réduire le stress physique et psychique lié à l’intervention en prévenant les dysfonctions organiques secondaires de la chirurgie permettant au patient de récupérer plus vite ses capacités. Elle  vise aussi la reprise d’une autonomie active et complète du patient [1].

Élaboration du concept :

Kehlet [2] a eu l’intuition que de nombreuses étapes de la prise en charge classique en chirurgie reposaient plus sur le poids des habitudes que sur une analyse des bénéfices apportés aux patients.

Il analysa les éléments de la prise en charge classique en chirurgie colique et surtout leurs valeurs scientifiques : l’iléus post opératoire prolongé, l’alitement de quatre à cinq jours, la prescription des morphiniques, la reprise de l’alimentation à partir du 5èmejour ou après l’arrivée des gaz, le drainage systématique, le jeune pré opératoire au de-là de huit heures, la préparation  colique mécanique systématique et la perfusion de solutés en post opératoire  pendant 04 à 06 jours. Il a pu prouver que de nombreux actes réalisés étaient inutiles, le plus flagrant étant la préparation mécanique colique [3].

L’autre pilier de la réflexion était l’association du patient à ses soins. Dans la prise en charge classique, le patient est un acteur passif, les décisions sont prises par les médecins. Le patient est rarement  informé. Dans la récupération améliorée après chirurgie, le patient reçoit une information beaucoup plus approfondie sur les différents temps du traitement. Il connait les objectifs que se fixe avec lui l’équipe médico-chirurgicale (exemple : lever le jour de l’intervention, pouvoir marcher une certaine distance le lendemain de l’intervention, s’alimenter le soir même de l’intervention, sortie 3 jours après l’intervention, etc…).Le patient devient un moteur de sa propre récupération  et peut influencer les décisions en fonction de ses propres sensations et du retour d’information qu’il donne à l’équipe de santé.

 Le concept est devenu global intéressant toutes les spécialités chirurgicales et les grandes lignes du programme sont organisées en chemin clinique, les professionnels savent ce qu’ils ont à faire et à quel moment intervenir et le patient est informé de ce chemin [4]. L’autre ligne importante de ce programme est l’organisation des soins qui sont simplifiés mais appliqués avec rigueur par une équipe multidisciplinaire (elle associe le chirurgien, l’anesthésiste, l’infirmier, le kinésithérapeute,..). L’information circule de manière longitudinale et transversale, centré sur le patient [5]. Les actions sont consignées   dans un livret préparé.

Le stress chirurgicalet impact de la RAAC dans la littérature :

Les complications postopératoires restent parmi les inconvénients majeurs de la chirurgie.De nos jours, il a été démontré que la chirurgie induit une cascade d’événement complexe appelé le stress chirurgical entraînant une réponse inflammatoire, une immunosuppression et une altération du métabolisme avec hyper catabolisme engendrant un retard de cicatrisation et une atteinte multi-organe. Déjà, en 1984, Bessey et coll. [6] ont démontré le lien de causalité entre les hormones de stress et la réponse systémique. Les médiateurs endocrino-métaboliques de cette réponse au stress sont les cytokines, l’acide arachidonique, l’oxyde nitrique et les radicaux libres de l’oxygène et l’insuline.

La compréhension progressive des bases physiologiques de la réponse au stress postopératoire a entraîné la création d’équipes interdisciplinaires comprenant des chirurgiens, des anesthésistes, des nutritionnistes et du personnel infirmier, ayant pour but de diminuer la réponse au stress chirurgical [7].La conséquence clinique est un confort postopératoire amélioré avec des complications faibles  et une hospitalisation plus courte. Une diminution de la durée de séjour de 30 % qui est de l’ordre de 2,5 jours et unediminution de moitié des complications post-opératoires [8].L’autre impact et non des moindres, est la réduction de  50 % des coûts liés à l’hospitalisationet l’augmentation de la satisfaction des patients [9].

Les données factuelles de la RAAC :

L’hypothermie :

La chirurgie viscérale peut entrainer une hypothermie comme le résultat d’une exposition prolongé du corps et de la cavité abdominale à l’ambiance de fraicheur par  dysfonctionnement de la thermorégulation.Il y a assez de preuves que l’hypothermie est associée aux complications post opératoire tel que l’infection pariétale, l’ischémie cardiaque ; l’hémorragie et l’augmentation de la sensibilité à la douleur [10]. La normothemie per opératoire réduit les infections du site opératoire par un facteur 3 (de 06 % vs 19%), accroit la reprise du transit intestinal et réduit la durée de séjour de 20% [11].

Alimentation précoce :

La reprise de l’alimentation qu’après la reprise du transit est une attitude dogmatique. Il est attendu que l’anastomose cicatrise correctement. Pourtant dès le milieu des années 1990, deux essais randomisés avaient suggéré l’innocuité d’une réalimentation précoce après chirurgie digestive [12,13]. Une méta-analyse publiée en 2009 [14] a montré qu’il n’y avait pas de bénéfice à laisser les patients à jeun après chirurgie abdominale (comportant une suture ou une anastomose digestive), la réalimentation précoce était associée à une réduction de la mortalité postopératoire et sans augmentation du risque de désunion anastomotique.

La chirurgie mini-invasive :

La laparoscopie a un impact avérée sur la durée d’hospitalisation, du temps de la reprise du transit  et les complications infectieuses [15]. Cette voie d’abord est recommandée et devenue un standard en chirurgie colo rectale. L’association laparoscopie et RAAC donne le meilleur résultat avec une durée d’hospitalisation de 5 jours (extrêmes [4—8]) mais la laparoscopie sans association à un protocole de RAAC réduit, à elle seule, la durée d’hospitalisation de 02 jours [16]. Par contre,  en chirurgie hépatique et pancréatique, ces résultats attendent la confirmation.

Le drainage abdominal :

Le drainage abdominal à titre prophylactique est encore considéré par certains comme un geste utile. Actuellement, en chirurgie sus et sous mésocolique, le drainage n’est pas nécessaire sauf en chirurgie rectale car les études sont de faibles niveaux de preuves [17].

La  sonde gastrique :

La sonde d’aspiration gastrique a été longtemps considérée comme un moyen de vidanger l’estomac afin de mettre au repos le tube digestif, et ainsi faciliter la cicatrisation des sutures ou anastomoses et favoriser une reprise plus rapide du transit mais ces avantages ne sont que théoriques [18].

La sonde vésicale :

En chirurgie digestive, elle est utilisée en postopératoire du fait du risque de rétention urinaire. Or le drainage vésical comporte des risques dont le principal est la survenue d’infections urinaires, en plus des risques de fausse route et de sténose urétrales. En cas de drainage vésical prévisible supérieur à 4 jours, il est recommandé de mettre en place un cathéter sus-pubien chez l’homme [19]. Dans le programme ERAS, la sonde urinaire doit être laissée le moins longtemps possible, de préférence 24 heures [20].

La gestion de la douleur et des apports liquidiens :

La gestion de la douleur dans la période péri-opératoire et la gestion des apports liquidiens per opératoires, sont les deux principaux objectifs permettant d’optimiser la réhabilitation postopératoire. Les conséquences cliniques des douleurs postopératoires peuvent engendrer des complications d’ordre cardio-respiratoires, thromboemboliques, des retards de cicatrisation [21]. Les buts d’une meilleure gestion de la douleur postopératoire sont une mobilisation précoce et une alimentation orale rapide. Le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont le traitement de fond. Les différentes techniques d’analgésie associées au traitement de fond sont basées sur une épargne des produits morphiniques  responsables de nausées, de vomissements, de fatigue, et de prolongement de l’iléus postopératoire [22].

La préparation colique :

La préparation colique est  associée à une déshydratation et des troubles électrolytiques surtout chez le sujet âgé [23]. En chirurgie colique, elle ne montre aucun bénéfice [24].

La compliance :

Malgré ses bénéfices évidents,  la compliance ou l’adhésion au protocole est l’un des challenges de ce programme. L’amélioration des résultats sur la récupération passe par l’amélioration de la compliance [25]. La prise en charge en Europe du nord était loin d’être optimale et variable d’un pays à l’autre.Le protocole ERAS contient environ 20 items mais la littérature montre que ce programme est suivi dans 40 à 50 %, avec la persistance de certains réflexes,  à l’exception de l’équipe de H.Kehlet [26].

Gustafsson UO [27]  a montré que lorsque la compliance est amélioré, les résultats en chirurgie colo-rectale s’améliore par étapes:Une compliance de 50 % au protocole abouti à un taux de complications de 40 % et un séjour de 10 jours. Ceci est amélioré à 06 jours et un taux de complications moins de 20 % avec une compliance de 90 %. L’absence d’éducation répétée autour du programme ERAS a un impact important sur l’adhésion ou adhérence et souvent les jeunes de l’équipe qui remplissent les taches quotidiens [28].

Conclusion :

La réhabilitation améliorée après chirurgie ou ERAS est une prise en charge standardisée, multimodale, multidisciplinaire et basée sur les évidences qui a pour effet principal de diminuer la morbidité postopératoire.

L’information préopératoire et le suivi postopératoire sont essentiels à la réussite de ce programme,  La mise en place d’un programme de récupération requiert une collaboration étroite entre les différentes équipes et les infirmiers y jouent un rôle important.

Références :

  1. Varadhan KK, Neal KR, Dejong CH, et al. The enhanced recovery after surgery (ERAS) pathway for patients undergoing major elective open colorectal surgery: A meta-analysis of randomized controlled trials. Clin Nutr 2010 (29).
  2. Kehlet  H. Multimodal Approach to Control Postoperative Pathophysiology and Rehabilitation. Br J Anaesth. 1997 May;78(5):606-17.
  3. Kehlet H.  The Surgical Stress Response: Should It Be Prevented?  Can J Surg1991 Dec;34(6):565-7.
  4. Kehlet H, Wilmore DW. Evidence-based surgical care and the evolution of fast-track surgery. Ann Surg 2008 (248).
  5. Lassen K, Coolsen MM, Slim K, et al. Guidelines for perioperative care for pancreaticoduodenectomy : Enhanced recovery after surgery (ERAS(R)) Society recommendations. World J Surg 2013 (37).
  6. Bessey PQ, Watters JM, Aoki TT, Wilmore DW. Combined hormonal infusion simulates the metabolic response to injury. Ann Surg 1984 (200).
  7. Kehlet H, Dahl JB. Anaesthesia, surgery, and challenges in postoperative recovery. Lancet 2003 (362).
  8. Greco M. Enhanced recovery program in colorectal surgery : a meta-analysis of randomized controlled trials.  World JSurg 2014; 38:1531-41.
  9. Lee L, Li C, A Systematic Review of Economic Evaluations of Enhanced Recovery Pathways for Colorectal Surgery. Ann Surg 2013.
  10. De Witte JL, Demeyer C, Vandemaele E. Resistive-heating or forced-air warming for the prevention of redistribution hypothermia. AnesthAnalg 2010 Mar 1; 110(3):829-33.
  11. Kurz A, et al. Perioperative normothermia to reduce the incidence of surgical-wound infection and shorten hospitalization. Study of Wound Infection and Temperature Group. N Engl J Med 1996; 334(19):1209-15.
  12. Reissman P, Teoh TA, Cohen SM, Weiss EG, Nogueras JJ, Wex-ner SD. Is early oral feeding safe after elective colorectalsurgery? A prospective randomized trial. Ann Surg 1995; 222:73—7.
  13. Carr CS, Ling KD, Boulos P, Singer M. Randomised trial ofsafety and efficacy of immediate postoperative enteral fee-ding in patients undergoing gastrointestinal resection. BMJ1996; 312:869—71.
  14. Lewis SJ, Andersen HK, Thomas S. Early enteral nutrition within24 h of intestinal surgery versus later commencement of fee-ding: a systematic review and meta-analysis. J GastrointestSurg 2009;13:569-75
  15. Fajardo AD, Dharmarajan S, George V, Hunt SR, Birnbaum EH, Fleshman JW, et al. Laparoscopic versus open 2-stage ileal pouch: laparoscopic approach allows for faster restoration of intestinal continuity. J Am CollSurg2010 Sep; 211(3):377-83.
  16. Vlug MS, Wind J, Hollmann MW, et al. Laparoscopy in Com-bination with fast track multimodal management is thebest perioperative strategy in patients undergoing colonicsurgery: a randomized clinical trial (LAFA-study). Ann Surg2011;254:868—75.
  17. Rondelli F, Bugiantella W, Vedovati MC, et al. To drain or notto drain extraperitoneal colorectal anastomosis? A systematicreview and meta-analysis. Colorectal Dis 2014;16:O35-42.
  18. Cheatham ML, Chapman WC, Key SP, Sawyers JL. A meta-analysis of selective versus routine nasogastric decompressionafter elective laparotomy. Ann Surg 1995;221:469-76.
  19. Branagan GW, Moran BJ. Published evidence favors the useofsuprapubic catheters in pelvic colorectal surgery. Dis ColonRectum 2002; 45:1104-8.
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  21. Kehlet H, Holte K. Effect of postoperative analgesia on surgical outcome. Br J Anaesth. 2001; 87(1) :62-72.
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  26. Fearon KC, Ljungqvist O, Von Meyenfeldt M, Revhaug A, Dejong CH, Lassen K, et al. Enhanced recovery after surgery: a consen- sus review of clinical care for patients undergoing colonic resection. Clin Nutr 2005;24(3):466-77.
  27. Gustafsson UO, Hausel J, Thorell A, Ljungqvist O, Soop M, J N. Adherence to the enhanced recovery after surgery protocol and outcomes after colorectal cancer surgery. Arch Surg 2011.
  28. Bakker N. Eight years of experience with Enhanced Recovery After Surgery in patients with colon cancer: Impact of measures to improve adherence. Surgery 2015; 157:1130-6.

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