La blouse médicale (suite)

Professeur d’Enseignement Paramédical; Chef de Département Documentation et Recherche INPFP.
Mohamed Salah BENELMIR, Professeur d’Enseignement Paramédical ; ELBIR Boussad, Chef de Département Documentation et Recherche INPFP.

Dans ce numéro de la revue, nous nous intéresserons aux deux autres rôles attribués aux vêtements par Marc-Alain Descamps ; c’est-à-dire la parure et la parole

Mots Clés : Blouse Médicale, Rôle de la blouse, Fonction de la blousse, Vêtement professionnel, Hygiène.

La parure.

D’après le petit robert de langue française dans son édition de 2018 : L’apparence d’une personne se définit par la manière dont elle se présente aux autres.

C’est la parure qui donne la véritable dimension au vêtement. A l’origine probablement les peaux des animaux tués étaient arborées comme trophée de chasse permettant d’entretenir le souvenir de sa victoire. A ce premier rôle d’intimidation se superpose celui d’exaltation générale du corps ou la magnificence du corps humain et ainsi,ce sont tous les fantasmes collectifs et l’inconscient qui vont s’inscrire dans le corps à travers le vêtement en général et la tenue des soignants en particulier.

On accorde encore aujourd’hui une grande importance à l’apparence des professionnels soignants avant de leur accorder sa confiance.

En effet L’image projetée par les infirmières a longtemps été associée à leur professionnalisme.

De nombreuses personnes jugent encore le niveau de compétence des individus selon leur allure et leurs apparences, ainsi L’uniforme porté par le soignant contribue à forger son identité et sa crédibilité professionnelle.

Parfois, l’apparence d’une personne peut retarder l’établissement d’une relation thérapeutique ou nuire à cette dernière. En effet une blouse défraichie, voire sale n’inspire guère confiance entre le soignant et le soigné, et cela a tort ou à juste titre, car en effet il n’existe pas de relation directe entre l’apparence vestimentaire et la qualité des soins, ou le niveau de connaissances et de compétences détenu par l’infirmière.

Non pour des raisons de coquetteries, ou pour une quelconque symbolique, le choix des couleurs des tenues de nos soignants à une raison plus pragmatique. Celle de distinguée les différents postes de travail.

Des couleurs sont donc désignées et réservées à certains secteurs de soins, tel que le rose associé aux sages-femmes, le vert aux paramédicaux, le bleu clair aux techniciens de surfaces et d’hygiènes ; faudrait-il encore que le professionnel soit fier de son corps et se reconnait dans ce « symbole » d’identité et d’appartenance, chose malheureusement qui a tendance à disparaitre et avec elle  cette distinction par les couleurs.

En conclusion le rôle de parure attribué à la blouse est réel, cependant ; le professionnel de santé doit veiller à ce qu’elle ne dévalorise pas l’image de la profession et veiller à ne pas la porter en dehors des milieux de soins, car cela diminuerait la confiance du public et réduirait considérablement la crédibilité et la considération dont bénéficie sa profession.

La parole et le langage.

Récemment les recherches sur le vêtement se sont centrées sur sa fonction de parole, de langage ou de communication. Le costume est un discours muet que nous tenons aux autres pour les avertir de ce que nous sommes et de ce que nous aimons.

Selon les vêtements qu’elle porte, une personne modifie la perception qu’elle a d’elle-même quant à ses aptitudes et compétences. Lorsque les habits sont appropriés aux circonstances et au poste, la perception de soi est répartie dans une gamme de qualités telles que responsabilité, capacité, autonomie, assurance, fiabilité, disponibilité mentale et honnêteté. Ces estimations sont proportionnelles à la pertinence de la tenue vestimentaire.

Une autre étude (Hanover et Kühnen, 2006) nous conforte dans ces conclusions. Même le langage varie selon nos effets vestimentaires.

L’habillement est devenu un moyen d’expression à part entière. Si le style du vêtement n’y suffit pas, alors les slogans qui y figurent ou accessoires qui les accompagnent (stéthoscope…) devraient dissiper toute ambiguïté. C’est une version moderne de l’homme-sandwich, à ceci près qu’il ne s’agit pas ici de vanter un produit ou une firme mais une mentalité, une idéologie, un personnage admiré ou encore soi-même.

Le costume est un langage muet par lequel chacun indique aux autres son sexe, son âge, sa nationalité, sa profession, sa classe sociale, ses positions politiques, religieuses, sportives et artistiques. Le problème vient de ce que cela n’est pas fixé de manière logique et rationnelle, comme par un système d’uniformes22.

La blouse comme élément de non-communication (protectrice). Comme toute communication expose à certains risques, car cela suppose ouverture et partage. La blouse est « une barrière protectrice du psychisme » lorsqu’elle oblige le soignant à contenir ses émotions, ses angoisses en se réfugiant derrière sa tenue de travail, comme derrière un masque. De la même façon, elle peut aider le soignant à construire ses propres mécanismes de défense. On voit pointer ici un aspect imaginaire (le soignant à l’abri derrière sa blouse).

La blouse comme élément de distanciation. Dans une volonté de contrôlé la communication Elle protège d’une trop grande proximité psychique avec le patient. Elle vient rappeler au soignant sa fonction de soignant, et lui permet de mettre et de maintenir une distance dans sa relation avec le patient. De cette façon, celle-ci protège le soignant d’un envahissement physique et psychique qui pourrait être débordant.

La blouse comme élément de pouvoir. La blouse instaure également une distance imaginaire dans la relation soignant-soigné en conférant au soignant un certain pouvoir, une autorité sur ce dernier. Le patient est dans une dépendance au soignant, ce qui créé alors une relation asymétrique. En effet en symbolisant le savoir, la compétence, la blouse peut impressionner le patient et créer un rapport de soumission, qui pourrait lui-même devenir un « abus de pouvoir ».

Au contraire, elle peut mettre en confiance et rassurer le patient qui idéalise alors le soignant et lui témoigne un respect inconditionnel. La blouse confère un certain pouvoir au soignant, un pouvoir en tant que capacité, une aptitude mais aussi un pouvoir en tant que supériorité. Elle le valorise et lui donne « le droit de soigner », de toucher l’autre, de voir sa nudité.

Elle rassure le soignant et peut cacher l’insuffisance. La blouse fait fonction de masque. Elle est le reflet d’un changement d’état, d’un passage d’un Être à un Paraître, d’un Moi à un Soi. En rassurant le soignant, en lui donnant une certaine autorité sur le soigné, la blouse peut lui permettre de jouer un rôle, de cacher son insuffisance et de tromper. Elle masque, elle déforme, elle transforme, elle suggère un corps différent de ce qu’il est, en créant une apparence illusoire.

Mais surtout la blouse fait peur, voire terrorise, en effet, une étude de Giuseppe et al. (1987) a montré qu’il existait une réaction d’alerte et une hausse de la tension artérielle en présence d’une blouse blanche chez certains patients. Ces résultats ont été répliqués de manière particulièrement consistante :

Le port d’une blouse peut être à l’origine d’effets somatiques néfastes chez nos patients en particulier dans les services de pédiatrie, d’où le développement de tenue et blouse propre à ses services, colorés arborant des motifs plus gaies et chatoyant et cassant les codes avec l’objectif de crée un climat réduisant le stress et facilitant la communication avec l’enfant.

En conclusion, La blouse reste en définitive un élément crucial dans la bonne communication du soignant.

Références bibliographiques:

  1. Abbas, S. M., et Bearman, G. (2018). Healthcare workerapparel and infection prevention. Dans G. Bearman, S. Munoz-Price, D. J. Morgan et R. K. Murthy (dir.), Infection prevention: New perspectives and controversies (p. 113-116). Springer International.doi:10.1007/978-3-319-60980-5_12
  2. AJIC- American Journal of Infection Control Volume 39, Issue 7, Pages 555-559, September 2011 “
  3. Agence de la santé publique du Canada. (2012). Pratiques en matière d’hygiène des mains dans les milieux de soins. Repéré à http://publications.gc.ca/collections/collection_2012/aspc-phac/HP40-74- 2012-fra.pdf
  4. Bates, C. (2012). Une histoire culturelle de l’uniforme infirmier. Gatineau, QC : Musée canadien des civilisations.
  5. Caldeira, S., Lourenco, M., Vidal, T., et Figueiredo, A. S. (2017). Tattoo or no tattoo? A contemporaryethical issue in nursing education. Nursing Ethics, 24(5), 626-628.doi:10.1177/0969733016679472
  6. Claeson, A.-S., Palmquist, E., Lind, N., et Nordin, S. (2016). Symptom-trigger factorsotherthanallergens in asthma and allergy. International Journal of EnvironmentalHealthResearch, 26(4), 448-457. doi:10.1080/09603123.2015.1135314
  7. Clavelle, J. T., Goodwin, M., et Tivis, L. J. (2013). Nursing professional attire : Probing patient preferences to informimplementation. Journal of Nursing Administration, 43(3), 172-177. doi:10.1097/NNA.0b013e318283dc78
  8. Cohen, M., Jeanmonod, D., Stankewicz, H., Habeeb, K., Berrios, M., et Jeanmonod, R. (2018). An observationalstudy of patients’ attitudes to tattoos and piercings on theirphysicians: The ART study. Emergency Medicine Journal, 35(9), 538-543.doi:10.1136/emermed-2017-206887
  9. Comité sur les infections nosocomiales du Québec. (2013).Mesures de prévention et contrôle des infections à l’urgence : avis scientifique. Repéré sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec : https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1742_MesPrevContrInfectUrgence.pdf
  10. Etude ASCOT (Antimicrobial Scrub Contamination and Transmission trial) publié dans Infection Control and Hospital Epidemiology August 29, 2017 DOI : 10.1017/ice.2017.181
  11. Frédéric WORMS – Les deux concepts du soin Revue Esprit, janvier 2006, p.142
  12. Fogle, C., et Reams, P. (2014). Taking a uniformapproach to nursing attire. Nursing, 44(6), 50-54. doi:10.1097/01.NURSE.0000444535.96822.3b
  13. Gordin, F. M., Schultz, M. E., Huber, R., Zubairi, S., Stock, F., et Kariyil, J. (2007). A cluster of hemodialysis-relatedbacteremialinked to artificialfingernails. Infection Control & Hospital Epidemiology, 28(6), 743-744. doi : 10.1086/517977
  14. Gupta, P., Bairagi, N., Priyadarshini, R., Singh, A., Chauhan, D., et Gupta, D. (2017). Bacterial contamination of nurses’ white coatsafter first and second shift.American Journal of Infection Control, 45(1), 86-88. doi:10.1016/j.ajic.2016.07.014
  15. Hatfield, L. A., Pearce, M., Del Guidice, M., Cassidy, C., Samoyan, J., et Polomano, R. C. (2013). The professionalappearance of registered nurses : An integrativereview of peer-refereedstudies. Journal of Nursing Administration, 43(2), 108-112. doi:10.1097/NNA.0b013e31827f2260
  16. John, A. R., Alhmidi, H., Gonzalez-Orta, M. I., Cadnum, J. L., et Donskey, C. J. (2018). A randomized trial to determinewhetherwearing short-sleeved white coatsreduces the risk for pathogen transmission. Infection Control & Hospital Epidemiology, 39(2), 233-234. doi:10.1017/ice.2017.26
  17. Jean-Claude Bologne Histoire de la pudeur Paris, Hachette 1986.
  18. Johnson, S. C., Doi, M. L., et Yamamoto, L. G. (2016). Adverse effects of tattoos and piercing on parent/patient confidence in health care providers. ClinicalPediatrics, 55(10), 915-920. doi : 10.1177/0009922815616889
  19. HILLION et D. LE DEIST – J’ai écrit sur ma blouse Revue de l’Infirmière n°26, p.67 8 :
  20. Lise Loumé -Science & Avenir- 28/04/2017
  21. Loveday, H. P.,Wilson, J. A., Pratt, R. J., Golsorkhi, M., Tingle, A., Bak, A., . . . UK Department of Health. (2014). epic3 : National evidence-based guidelines for preventinghealthcare-associated infections in NHS hospitals in England. Journal of Hospital Infection, 86(suppl. 1), S1-S70. doi : 10.1016/S0195-6701(13)60012-2
  22. Marc-Alain Descamps dans Psychosociologie de la mode, PUF. 1979
  23. Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2017). La prévention et le contrôle des infections nosocomiales : cadre de référence à l’intention des établissements de santé et de services sociaux du Québec (éd. rev.). Repéré à http://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2017/17-209-01W.pdf
  24. Mitchell, A., Spencer, M., et Edmiston, C. (2015). Role of healthcareapparel and otherhealthcare textiles in the transmission of pathogens: A review of the literature. Journal of Hospital Infection, 90(4), 285-292. doi:10.1016/j.jhin.2015.02.017
  25. Munoz-Price, L. S., Arheart, K. L., Mills, J. P., Cleary, T., Depascale, D., Jimenez, A., . . . Lubarsky, D. A. (2012). Associations betweenbacterial contamination of health care workers’ hands and contamination of white coats and scrubs.American Journal of Infection Control, 40(9), e245-e248. doi:10.1016/j.ajic.2012.03.032
  26. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. (2017). Rapport statistique sur l’effectif infirmier 2016-2017 : le Québec et ses régions. Repéré à https://www.oiiq.org/documents/20147/1456160/Rapport_statistique_2016-2017.pdf
  27. Porr, C., Dawe, D., Lewis, N., Meadus, R. J., Snow, N., et Didham, P. (2014). Patient perception of contemporary nurse attire: A pilot study. International Journal of Nursing Practice, 20(2), 149-155. doi:10.1111/ijn.12160
  28. Rapporté par Al Hakim et authentifié par cheikh Albani dans SahihTarghib n°2636
  29. Royal College of Nursing. (2013). Guidance on uniforms and work wear. Repéré à https://www.rcn.org.uk/-/media/royal-college-of nursing/documents/publications/2013/november pub-002724.pdf
  30. Sande, S. V., et Basak, S. A. (2015).Whitecoats: How muchsafe are they? International Journal of Advances in Medicine, 2(1), 16-20. doi:10.5455/2349-3933.ijam20150204
  31. Sanon, M. A., etWatkins, S. (2012). Nurses’ uniforms: How manybacteria do they carry after one shift? Journal of Public Health and Epidemiology, 4(10), 311-315. doi:10.5897/JPHE12.074
  32. Society for Healthcare Epidemiology of America. (2014). Healthcare personnel attire in nonoperating-room settings. Infection Control & Hospital Epidemiology, 35(2), 107-121.
  33. Spragley, F., et Francis, K. (2006). Nursing uniforms: Professional symbol or outdatedrelic? Nursing Management, 37(10), 55-58.
  34. Sulanke, J., et Shimp, K. (2015).Whatworks: Implementing an evidence-based nursing dress code to enhanceprofessionalimage.American Nurse Today, 10(10), 25.
  35. Thom, K. A., Escobar, D., Boutin, M. A., Zhan, M., Harris, A. D., et Johnson, J. K. (2018). Frequent contamination of nursing scrubs isassociatedwithspecific care activities. American Journal of Infection Control, 46(5), 503-506. doi:10.1016/j.ajic.2017.11.016
  36. Thomas, C. M., Ehret, A., Ellis, B., Colon-Shoop, S., Linton, J., et Metz, S. (2010). Perception of nurse caring, skills, and knowledgebased on appearance. Journal of Nursing Administration, 40(11), 489-497. doi:10.1097/NNA.0b013e3181f88b48
  37. Today’s Surg Nurse.1998 Mar-Apr; 20(2):28-34. Surgical scrubs–where we were, where we are going. NCBILiterature > PubMed
  38. Truchon, S. (2011, 1er juin). Vous qui me soignez… Qui êtes-vous ? Dans Chronique déontologique. Repéré à https://www.oiiq.org/vous-qui-me-soignez-qui-etes-vous-
  39. Walaszek, M. Z., Kolpa, M., Rozanska, A., Jagiencarz-Starzec, B.,Wolak, Z., etWojkowska-Mach, J. (2018, 30 juin). Nail microbialcolonizationfollowing hand disinfection: A qualitative pilot study. Journal of Hospital Infection. doi:10.1016/j.jhin.2018.06.023
  40. Ward, D. J. (2007). Hand adornment and infection control. British Journal of Nursing, 16(11), 654-656.
  41. Wiener-Well, Y., Galuty, M., Rudensky, B., Schlesinger, Y., Attias, D., et Yinnon, A. M. (2011). Nursing and physician attire as possible source of nosocomial infections.American Journal of Infection Control, 39(7), 555-559. doi:10.1016/j.ajic.2010.12.016
  42. Wilson, J. A., Loveday, H. P., Hoffman, P. N., et Pratt, R. J. (2007). Uniform : An evidencereview of the microbiologicalsignificance of uniforms and uniformpolicy in the prevention and control of healthcare-associated infections. Report to the Department of Health (England). Journal of Hospital Infection, 66(4), 301-307.

 

Une réponse sur “La blouse médicale (suite)”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *